Crédit photo : Rachel Wehrung

Ce mois-ci, entretien avec les Bisontins Jérémy Vieille et Côme Rothé. On y évoque largement leur duo Matsutake ainsi que le Zérolex trio et ensemble.

Quand et comment le jazz est arrivé dans vos vies ?

 

Jérémy Vieille : Pour ma part, c’est à travers les samples utilisés dans le Hip Hop que j’ai commencé à m’y intéresser, au lycée. Contrairement à nos aînés, il était facile pour nous de mettre la main sur les samples originaux que l’on entendait chez Nas, A Tribe called Quest, J Dilla, Madlib, le Wu Tang... Puis j’ai commencé à acheter quelques disques de mes premiers coups de cœur : Donald Byrd, Sun Ra, Mary Lou Williams…

Côme Rothé : De mon côté, j’ai commencé la musique en faisant de la clarinette classique au conservatoire. Le répertoire que j’étudiais me passionnait moyennement à l’époque. Mon frère qui jouait du saxophone a fait un stage à la MJC de Palente avec David Krakauer, grand clarinettiste reconnu pour son renouveau de la musique klezmer, en l’hybridant avec du jazz et des musiques électroniques. Ça a été une claque, et j’ai réalisé que la clarinette ne me condamnait pas à une pratique et des musiques qui m’apparaissaient alors très scolaires. Je serais moins sévère aujourd’hui sur ce répertoire. En tout cas le Jazz m’est apparu d’abord comme une porte de sortie vis-à-vis d’une certaine vision de la musique qui me semblait assez ennuyeuse. J’ai donc commencé à jouer du jazz dans ces fameux stages de la MJC de Palente à mon tour. Je me suis ensuite tourné vers le saxophone vers le lycée au moment de former mes premiers groupes. Je n’ai néanmoins pas reçu de formation de jazz à proprement parler, type cursus de conservatoire etc…

Parlons tout d’abord du Zerolex Trio. Comment s’est-il formé ? J’ai cru comprendre que vous avez bénéficié largement du soutien de salles franc-comtoises pour son élaboration.

 

Jérémy Vieille : En 2019, j’ai ressenti une lassitude d’être seul sur scène. Ce sentiment d’être arrivé à la fin d’un cycle m’a amené à contacter Côme et Claudio (contrebasse) pour repenser mon set avec des arrangements des morceaux existants dans un premier temps, puis dans la composition de nouvelles œuvres dans un second temps. Côme, qui était plutôt interprète à la base, est devenu compositeur au même titre que moi dans le trio. Une première résidence a eu lieu à la Rodia (2019) et une seconde au Moloco, en pleine période covid (2020). Le Moloco nous a également soutenu l’année suivante, avec la Poudrière, en nous proposant d’arranger notre répertoire dans un registre “orchestral” avec des élèves de l’ESM BFC (cf. Zerolex Ensemble). Cela avait donné lieu à une mini-tournée dans les forts de la région. Pour revenir au trio, la FEMA nous a également invité à jouer au MAMA festival en 2022.

Plus récemment, vous êtes passés au duo avec Matsutake.

 

Côme Rothé : Effectivement, suite à cela, on a eu envie d’une nouvelle formule, plus centrée sur le live, et qui nous permette d’explorer de nouvelles pistes plus radicales à la fois sur le plan électronique et dans la dimension scénique. Notre volonté de créer une nouvelle formule a coïncidé avec un appel à projets de la SMAC Echo-System pour lequel nous avons été retenus. Le projet visait à expérimenter un travail pluridisciplinaire au croisement des musiques actuelles et des sciences sociales pour interroger l’histoire ouvrière et plus précisément celle de la métallurgie. L’écriture a pris pour base une enquête ethnologique menée par entretiens avec environ 200 personnes de l’ensemble du département de la Haute-Saône : forgerons, fondeurs, métalliers, chaudronniers, ouvriers, artisans d’art, artistes et autres passionnés du travail du métal. De ce travail d’une année est ressorti notre nouveau projet baptisé Matsutake, un premier album intitulé « 1538 » accompagné d’un livre ethnologique : « Faire chanter la matière ».

Avant de se plonger dans votre musique, que faudrait-il écouter ?

 

Jérémy Vieille : Pour le Trio notre dernier morceau, Hold Steady est un hommage au Space is the place de Sun Ra alors pourquoi ne pas écouter la reprise du Ezra Collective ? Et avant d’écouter Le Nectar, on vous conseille simplement de déguster un verre de vin !

Côme Rothé : Pour Matsutake, écoutez l’album Promises de Floating Points avec Pharoah Sanders. Ça risque de mettre la barre très haute (l’album est incroyable), mais je pense que ça peut mettre les oreilles dans une bonne disposition. Puis écouter notre album d’une traite si vous en avez la possibilité ! Et puis je recommande la lecture du Champignon de la fin du monde de Anna Tsing, ouvrage d’où est tiré le nom du groupe. Sans rentrer dans les multiples liens existants entre la création de notre album et la démarche de l’autrice, il y a dans le livre une atmosphère d’apocalypse qu’on a voulu retranscrire musicalement.

Quelles perspectives pour vos projets à l’horizon 2024 / 2025 ?

 

Côme Rothé : On sera tout d’abord en résidence début Mars avec Matsutake à Echo System, SMAC de Haute-Saône qui nous soutient depuis le début de ce projet. On travaillera sur de nouveaux morceaux. Durant les quelques concerts que l’on a faits les 6 derniers mois, on a eu le sentiment que les titres les plus clubs de notre répertoire recevait vraiment un bon accueil de la part du public, on a envie de développer davantage cette dimension. On a également le projet d’enregistrer une session live début avril. On est également très heureux de faire la première partie de Léon Phal et Ishkero à la Rodia le 23/03 !

Jérémy Vieille : Un nouveau morceau sortira en mai également. Il verra le jour physiquement dans une compilation qui paraîtra sur Les Disques du Crochet, label bisontin dont je suis à l’initiative.

Pour revenir au trio, il est quelque peu en stand-by depuis que l’on a monté “Matsutake” avec Côme. Notre premier album “1538” est paru l’été dernier et nous l’avons arrangé sur scène avec Paul L’Hôte à la batterie et Anthony Pergaud à la basse dans une approche centrée sur le live puisque nous avons abandonné les bandes. Il est peut-être plus rock aussi, dans l’énergie. On se consacre donc à fond à ce projet avec une dizaine de concerts à venir cette année.

 

Les prochaines dates à venir pour le duo :

08/03 : Médiathèque, Espace culturel, Quingey

15/03 : Jazz en Nord, Lille

23/03 : La Rodia, Besançon avec Leon Phal et Ishkero

29/03 : Echo-System, Scey-sur-Saône

23/05 : Festival Préludes, Besançon avec Tarzan Live Band

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